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  • perrouxmelanie

Tapage nocturne

1.

Première fois que je fais ce geste. Enfin, pas ce geste proprement dit, mais cette action.

Première fois et je l’espère unique fois.

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Cent fois j’ai tourné la situation dans ma tête. Cents pas dans mon appartement : confinement. Sans sortie, sans échappatoire. Sans personne pour prendre le relais. Sans garderie pour donner du répit. Arrive le gout du sang.

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Qu’on soit trois ou six, on est seul avec ces inavouables pensées. La rage qui monte. Non pas celle de l’animal qui bondit pour se défendre. Mais celle de l’humain pris au piège des bons sentiments. Hurler sa fureur d’un cri étranglé pour ne pas réveiller ceux qui parviennent à dormir. Rugir son impuissance, même pas assez fort pour la faire se taire. Vouloir la serrer si fort qu’on entendrait ses minuscules os craquer puis la vie se taire. S’imaginer la secouer, la dépecer, l’étouffer sous l’oreiller.

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Cinq minutes avant minuit. Compter les levers avant l’aurore. Les heures de hurlements avant les secondes de calmes. Se dire que les heures seront longues avant la promesse d’une nouvelle journée. La voir défiler rapidement, l’angoisse du noir à la gorge. Et si cette nuit encore, c’était la même que la précédente? Une succession de cris, de pleurs sans douleur mais la souffrance ultime de la réalité : je suis un monstre. Qui pourrait tuer un nourrisson?

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Nulle. Se sentir nulle. Ne plus oser se regarder dans le miroir de peur d’y lire les pensées d’homicide. Moins qu’humain. Tout remettre en question, de ses capacités parentales à l’idée même d’avoir voulu être parent. Et dire que les autres y parviennent bien pourtant. Elle cherche mon sein pour la énième fois. Ne sent-elle pas, à ce moment-là que je lui donne sans amour? L’amour, est-ce assez fort pour être la seule chose qui me retient?

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à l’infini. En prison dans cette spirale qui fait que chaque heure se ressemble, chaque nuit apporte son lot d’espoir pulvérisé aussitôt le bébé s’époumonant déposé dans son mignon petit lit à barreau. Je suis en cage sonore, les vibrations poussent le bouton agression, se répercutent dans mon lobe frontal pour amplifier ma rancœur. Mes tympans silent me rappelant longtemps mon incapacité.

5

Cinq minutes que j’attends. Une éternité de silence dans l’assourdissant vacarme d’à côté. Ne pas raccrocher, malgré la honte. Ça vas-tu finir par arriver?


« Bonjour, comment je peux vous aider?

-J’ai envie de tuer ma fille

-Vous avez bien fait d’appeler la Ligne Parents Madame. »

Si t’en es là, même un peu moins loin, n’hésites pas.

En confidence j’t’offre leur numéro :1 800 361 5085

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